lundi 28 août 2023

50 ans de Let's get it on : chef d'oeuvre pour êtres sensibles




We're all sensitive people / with so much to give. Ces deux vers n'ont l'air de rien mais ils constituent la clé de l'un des morceaux les plus célèbres de Marvin Gaye, Let's get it on, sommet érotico-spirituel paru au sein de l'album du même nom il y a 50 ans, le 28 août 1973.

A l'époque, sur le plan artistique, amoureux et sexuel, Gaye vit une période de troubles. Après l'édification de l'immense What's goin' on en 1971, la parution du non moins excellent Trouble Man, le futur ex-époux d'Anna Gordy, sœur du tout-puissant fondateur de la Tamla-Motown, souffre à la fois du syndrome de la page blanche et de tourments sentimentaux et sexuels qui se fracassent douloureusement sur les principes rigides d'éducation reçus de son pasteur de père. Comment se dépatouiller d'une culpabilité fortement enracinée, gravée dans sa chair à coups de ceinture ? C'est le théorème que doit échafauder Marvin Gaye alors que son mariage est un désastre, que ses fantasmes ne sont que la pathétique illustration d'une frustration qui a passé les limites acceptables de macération.

Let's get it on est l'aboutissement logique, résolutif voire curatif de Gaye en 73. Un album érotique (sans détours comme sur You sure love to ball, certainement scandaleux pour l'époque, avec ses râles incandescents...) mais un album érotique qui lorgne vers la spiritualité. Après tout, comme le chante Marvin, nous sommes bel et bien tous des êtres sensibles et nous avons tous énormément à offrir. Les démons de Gaye ne seront certes pas derrière lui après la sortie de ce disque majuscule qui trouvera le succès, l'estime critique et finalement la postérité (jusqu'à l'aboutissement tragique d'une existence qui ne fut pas en reste). Mais Let's get it on constitue à lui seul une parenthèse de sérénité comme Gaye en connaitra peu.


Pour fêter ce 50e anniversaire, Motown sort une version deluxe de l'album. Au menu, une trentaine de bonus et une vingtaine d'inédits. Pas certain que cela soit bien indispensable (d'autant plus que l'on retrouve par exemple des morceaux édités sur l'album posthume Vulnerable sorti en 97 ; mais les amoureux de Marvin y trouveront certainement leur compte (et les p'tits gars du marketing qui font mumuse avec le catalogue de la Motown)...